ema drouin

Créer "à même la ville"

À la manière des arpenteurs et des glaneurs, le processus de création d’Ema Drouin se déploie en mouvement, dans la rencontre avec un territoire : explorer, sentir, écouter, regarder, dialoguer.

Malakoff, Valenton, Thouaré-sur-Loire, Paris, Marseille… aux abords d’une cathédrale, dans une friche en mutation, au cœur d’une cité péri-urbaine… quel que soit le lieu, Ema s’immerge, se rend poreuse, et écrit en allant vers ce, celles et ceux qui sont déjà là.

Cette méthodologie de création "à même la ville" nourrit une matière artistique dont l’essence est le décalage du point de vue, l’ouverture sur une réalité inhabituelle, le croisement avec l’improbable…

En 2017 à Malakoff et en 2020 dans le 13e arrondissement de Paris, Ema créé l’Atelier de curiosité urbaine. Laboratoires de création, lieux de mémoire vivante de la compagnie, ce sont des lieux ouverts où chacun.e peut entrer. Par curiosité, pour partager un café, déposer un objet pour l’espace(s) de gratuité... en profiter pour se raconter, poser des mots sur ce qui fait mal ou ravit, des mots sensibles sur le quartier, sur ce monde qui change.

Ema écoute, accompagne, et emmène les gens là où ils ne s’attendaient pas, où ils n’étaient pas attendus. L’écriture de l’artiste se fait gestes et matérialisation concrète de son intention artistique "d’aller vers".

C’est peut-être là un sens concret du mot "engagée".

>> "La rue, le plus court chemin entre soi et les autres ?", texte d'Ema Drouin publié dans la revue Études théâtrales en 2008 (cairn.info)

De l’intime au politique

The personal is political* scandaient les féministes dans les années 60. Portée par cet héritage, Ema Drouin, avec Deuxième groupe d’intervention, fait entendre au dehors des paroles venues du dedans, des voix peu ou pas entendues.

Ces existences parallèles, à la fois proches et étrangères, viennent toucher les spectateurs-trices et les passant-es, sans tabou et sans brutalité.

L’homme dans sa maison de carton nous invite à prendre le thé.
Un théâtre antique se dresse sur la place pour raconter la tragédie du réel.
Les objets nous racontent des histoires de vie, des histoires de territoires.
Regardez le ciel ! On y voit un jeune homme qui se lance du toit d’un l’immeuble. Va-t-il s’envoler ?

Traversée par les bouleversements de la société, sensible aux mouvement des plaques urbaines qui glissent au fil des politiques publiques, Ema Drouin met son art au service d’une utopie humaniste.

*Le privé est politique.

Itinéraire

"J’ai ouvert la porte, je suis sortie, j’avais 18 ans, j’ai pris le risque.

Dehors, Ema Drouin croise le chemin de la famille Moralles, avec qui elle s'envole pour la première fois au trapèze.

Elle rencontre Philippe Freslon et, en 1987, ils fondent la Compagnie Off à Tours. Ema y aborde l’écriture, la conduite des spectacles et des interventions, la direction d’acteurs. Trapèziste et actrice, elle y interprete les images décalées du répertoire de la compagnie.

En parallèle, elle continue de se former : à l’école nationale du cirque au Carré - Sylvia Montfort, à l’école de trapèze volant de Jean Palacy à Noisiel. Elle joue avec la Ligue d’Improvisation et travaille également avec Philippe Gaulier, Sigmunt Molik, Tarak Hamman (méthode Grotowski). Elle suit ensuite les cours d’Alexandre del Peruggia et proposera des cours et ateliers de recherche avec le trapèze.

En 1990, elle s’émancipe de la compagnie Off et invente un Deuxième Groupe d’Intervention pour aller au contact, pour s’exposer, sexe poser ? Avec des femmes et avec des mots.

En 1995, elle part avec son "héritage" et fonde la compagnie Deuxième Groupe d’Intervention avec Jérome Plaza et Renaud Grémillon. Ils s’installent avec l’association de compagnies artistiques Les Mêmes dans l’ancienne Blanchisserie du groupe hospitalier Charles Foix, spécialisé en gérontologie, à Ivry-sur-Seine.

Ema Drouin pilote avec Françoise Vuillaume le groupe "Écrire pour la rue" mis en place par le ministère de la Culture dans le cadre du Temps des Arts de la Rue.

Présidente de la Fédération des Arts de la Rue en Ile-de-France entre 2006 et 2008, elle fait partie du groupe de travail "Mais que font les artistes ?"

Elle intervient régulièrement lors de sessions de formation ou de réflexion (FAIAR, l'Atelier 231, le Studio Asnières...).

Fin 2007, après une résidence de diffusion décisive à Harfleur, Deuxième Groupe d’Intervention quitte la Blanchisserie et s’installe à Malakoff. Depuis Ema Drouin y développe son projet avec des créations et une réflexion approfondie sur l'implication artistique.